Il existe plus de 200 types de myopathies. Jocelyn Laporte1 et son équipe se focalisent sur certaines d’entre elles, toutes des myopathies congénitales, qui touchent une naissance sur 50 000 mais qui, comme le précise le chercheur, « sont les plus sévères et apparaissent dès la naissance, condamnant les enfants atteints à être malades dès le début de leur vie ». Le but de leurs travaux est de comprendre les bases génétiques de ces maladies rares, les mécanismes impliqués dans le développement de ces différentes myopathies et de proposer des approches thérapeutiques.
La guérison de souris atteintes de myopathie
Récemment, les chercheurs sont parvenus à guérir des souris atteintes de myopathie dite centronucléaire ou myotubulaire. Dès le milieu des années 1990, Jocelyn Laporte avait participé à l’identification des mutations responsables de cette pathologie : des mutations de la myotubularine (MTM1) ou de la dynamine 2 (DNM2), deux protéines qui régulent l’organisation des cellules musculaires. Ensuite, « nous avons remarqué que chez des souris n’exprimant plus MTM1, la quantité de protéine DNM2 était plus importante que chez les souris saines, détaille le chercheur. Si on normalise génétiquement la quantité de DNM2 dans des souris ayant perdues MTM1 et développant une myopathie, on observe une disparition quasi-totale des signes cliniques de cette pathologie ». Les chercheurs strasbourgeois ont ainsi mis au point une stratégie thérapeutique innovante de « thérapie croisée », où l’on diminue un gène altéré dans une myopathie (DNM2) pour permettre la guérison d’une autre myopathie due à la perte d’un gène différent (MTM1). En décortiquant en détail les mécanismes physiopathologiques impliqués dans différent modèles cellulaires ou animaux, on arrive à mieux comprendre la maladie. « Nous avons mis en évidence une nouvelle cible thérapeutique et suite à ces résultats, nous avons démarré un programme de développements pré-cliniques2. »
Trouver le gène muté pour les deux tiers des patients atteints de myopathie
Mais pour en arriver là, le challenge est d’identifier les gènes impliqués dans la maladie. Or, environ deux tiers des patients atteints de myopathies n’ont pas de diagnostic génétique connu. Autrement dit, les gènes mutés en cause n’ont pas encore été identifiés. Jusqu’à présent les chercheurs ont isolé une centaine de gènes impliqués dans les myopathies. « Identifier ces gènes permettrait d’une part de mieux classer ces pathologies mais surtout d’améliorer les délais de prise en charge des patients et de développer des thérapies personnalisées », souligne Jocelyn Laporte. Là encore, les travaux de son équipe, en réseau avec sept autres laboratoires français3 permettent d’avancer sur l’identification des gènes mutés. « Par des méthodes d’analyse haut débit, nous étudions à la loupe l’ADN de 1000 patients atteints de myopathies ou de membres de leurs familles. » Il faut pour cela des méthodes informatiques automatisées qui permettent de trouver la différence à l’origine de la maladie parmi les trois millions de variations qui nous différencient les uns des autres. « Nous espérons ainsi identifier les gènes mutés et pouvoir à terme diagnostiquer tous les myopathes français … afin de proposer des thérapies personnalisées. »
Anne-Isabelle Bischoff
1 Jocelyn Laporte, directeur de recherche à l’Inserm, dirige l’équipe Physiopathologie des maladies neuromusculaires au sein du département Médecine translationnelle et neurogénétique de l’IGBMC (CNRS/Inserm/Unistra). Les travaux de son équipe sont largement financés par l’AFM dans le cadre d’un projet stratégique impliquant l’IGBMC.
2 programme financé par Conectus Alsace
3 dans le cadre d’un programme bio-informatique financé par la FRM