Liliana Ursu ou l’énergie poétique communicative

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Date de publication : 21/03/17

ThèmesVie des campus 

À 67 ans, Liliana Ursu pose un regard perpétuellement neuf et émerveillé sur son quotidien et son environnement. L’artiste roumaine dont l’œuvre − qualifiée de « lumineuse » par plusieurs de ses traducteurs − évolue à la croisée de la poésie et de la littérature, entre sa langue natale et l’anglais, est en résidence de deux mois à l’Université de Strasbourg, dans le cadre du projet Écrire l'Europe.


Comment votre parcours entre-t-il en résonance avec votre résidence d’artiste, ici, à Strasbourg ?
Je suis Roumaine, née en Roumanie, où je vis toujours, mais ma carrière m’a conduite à beaucoup voyager. Aux États-Unis, où j’ai enseigné la traduction littéraire et poétique. En Europe, au gré des invitations à des festivals. J’ai donc pris l’habitude d’évoluer d’une langue à l’autre. C’est la même chose avec les étudiants de mes ateliers d’écriture, ici : ils sont Français, Roumains, Kazakh et parlent chacun deux, trois, quatre langues, entre lesquelles nous naviguons.
Ce que je leur dis, comme à tous mes étudiants, c’est qu’il existe trois points de départs à l’écriture poétique : écrire, bien-sûr. Mais aussi lire, pour développer sa culture poétique, l’arroser pour la faire vivre et grandir, comme une fleur. Je leur donne des listes de poètes à explorer. C’est aussi ce que je proposerai lors de ma conférence du 22 mars (en anglais) : partir à la découverte de poètes, principalement européens, ceux que je préfère. Je veux insuffler l’amour de la poésie, l’expliquer, si on le peut. Troisième condition : traduire. Quand je suis confrontée à un « nœud » dans mon écriture, je traduis. C’est cette troisième voix que je propose à ceux qui n’auraient pas le talent de l’écriture mais qui aiment la poésie.
Toutes ces pistes de création sont aussi celles que j’ai explorées pendant quinze ans, à la radio nationale roumaine, dans mon émission culturelle mêlant traduction, lecture de poètes célèbres et en devenir. Vous parlez un français mâtiné d’incursions d’anglais et de roumain. La traduction et cet aller-retour entre les langues est une dimension essentielle de votre œuvre ?
Mes huit volumes de poésie et deux recueils de nouvelles [Liliana Ursu a aussi publié dix volumes de traductions de poésies, N.D.L.R.], je les ai écrits en roumain. Ma langue maternelle est ma maison, mon château. Je ne la partage qu’avec un seul de mes sept traducteurs. Je traduis donc une première version en anglais. Puis s’engage un long processus d’échanges avec eux. Je laisse toujours le dernier mot leur revenir !
Seule la traduction créative, non littérale, permet de transcrire l’énergie du poème original, son émotion. J’ai coutume à ce sujet de citer le grand poète russe Pouchkine à mes étudiants : il disait que lire la traduction d’un poème revient à sentir une fleur à travers une couverture. Faire de cette couverture un voile de soie, c’est le travail (et le talent) du traducteur ! Vous êtes née à Sibiu, en Roumanie, produit d’une histoire faite influences mêlées (saxonne, hongroise, roumaine) : une ville-carrefour qui partage des points communs avec Strasbourg…
Effectivement. C’est mon premier séjour ici, et pourtant j’ai été immédiatement frappée : par sa singularité, et parce que c’est la première ville où je retrouve un peu de tous les lieux que j’ai aimés dans ma vie. L’architecture allemande de la Neustadt, c’est le Sibiu de mon enfance et l’influence des Habsbourg. Les bicyclettes, le dialecte entendu dans le bus réveillent des souvenirs extraordinaires ! Le parc de l’Orangerie, près duquel je vis ici, c’est mon quartier de Bucarest, ma ville d’adoption. Certaines maisons, c’est Athènes. Le vent, c’est Boston, le Rhin c’est mon Danube. La silhouette bleutée des Vosges, ce sont les Carpates. L’eau qui unit, c’est un peu de San Francisco.
Je me définis comme une voyageuse et, plus encore, une pèlerine. J’ai vu votre si belle cathédrale, mais aussi toutes ces églises dont la ville regorge : Saint-Paul, Saint-Maurice. C’est à l’ombre de cette dernière, place Arnold, que j’ai composé l’un de mes trois poèmes consacrés à Strasbourg. A la manière dont j’ai composé il y a peu mon anthologie, rassemblant poèmes, hommages à mes traducteurs et photos de famille, j’aimerais que ces textes et ceux des quatre conférences soient réunis dans un livre, comme un hommage à Strasbourg. Et une fois rentrée en Roumanie, je donnerai une conférence sur Strasbourg. Conférences à venir (à la Bibliothèque nationale et universitaire) :
Mercredi 22 mars : Poetry, a Soul's Geography

Mardi 4 avril : Sibiu, les archives du souvenir
Recueilli par Elsa Collobert

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