Non seulement la meilleure baguette de France est alsacienne, mais elle est façonnée par une Japonaise, étudiante cette année à l’Université de Strasbourg ! Passionnée par la culture française, Mei Narusawa, 34 ans, a exploré les subtilités de sa langue cette année, à l’Institut international d’études françaises (IIEF).
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21/06/2017
À l’annonce des lauréats du concours de la meilleure baguette de tradition française, le 17 mai, Mei Narusawa n’en a pas cru ses oreilles. « Je n’ai pas tout de suite compris que j’avais gagné. J’ai même pensé que j’avais été disqualifiée ! » C’est pourtant bien la jeune employée de la boulangerie-pâtisserie Durrenberger, à Mertzwiller (nord de Haguenau), qui ramène en Alsace le trophée convoité. Elle est la première femme à se hisser sur la plus haute marche du podium, et très certainement la première… Japonaise !
Même si elle a le triomphe modeste, Mei Narusawa n’a pas volé sa victoire. Pour passer avec succès les épreuves qualificatives départementales (le 8 mars) et régionales (les 22 et 23 mars), elle s’entraîne d’arrache-pied, sans compter ses heures. « À partir de janvier, je me levais à 3 h pour me rendre à la boulangerie (à 1 h de route de Strasbourg, où elle vit) pour m’entraîner. » À ce rythme effréné, il faut rajouter sa journée de travail et ses cours de français à l’Institut international d’études françaises (IIEF). « Ça a été une période très fatigante », reconnaît Mei, qui confesse avoir « raté quelques cours » pour préparer au mieux cette étape importante dans la reconnaissance de son savoir-faire.
Et elle a bien fait : le jour du concours, à Paris, il fait « 34 degrés sous la tente, contre 24 à la boulangerie en conditions normales ». Mei, qui s’est préparée à évoluer dans des conditions inhabituelles et avec une farine inconnue, parvient avec brio à adapter sa recette, à commencer par la teneur en eau et en sel de sa pâte.
Tokyo, Nice, Paris… Mertzwiller
Mei se remémore l’origine de son appétit pour le pain, un produit éternellement associé à la France. « Enfant, il y avait une boulangerie à côté de chez ma mère, à Yokohama. J’adorais cette odeur si appétissante… » À 19 ans elle en fait son métier, qui la conduira à exercer à Tokyo, Nice et Paris. Puis de nouveau Tokyo. Mais une fois qu’elle a goûté à « la vie française », son idée de retourner dans l’Hexagone ne la lâche plus. « Ici, les gens sont beaucoup moins stressés que dans la capitale japonaise… » Voilà près d’un an, elle est de retour en France, à Haguenau, où travaille son compagnon, Yuki, lui aussi boulanger. Arrivée au départ avec l’idée d’améliorer en priorité son français, elle trouve du travail grâce à l’importante et très soudée communauté des boulangers-pâtissiers japonais exilés en Alsace. Yuki rentré au Japon, Mei s’installe à Mertzwiller, où se trouve son nouveau lieu de travail. « Mais c’est trop petit ! » Elle choisit donc Strasbourg.
Loin de se reposer sur ses lauriers, Mei avertit : « Il ne faut pas arrêter de travailler, pour s’améliorer ! »Prochaine étape, une fois son niveau C1 de français obtenu ? « Nous voulons ouvrir notre propre boulangerie, en France si possible. » Et si des questions de visa empêchent ce projet, au Japon, où les habitants sont friands de gastronomie française. Une chose est sûre : son trophée de la meilleure baguette de pain de tradition française, aujourd’hui affiché à Mertzwiller, y figurera en bonne place !
Elsa Collobert