Retraitée depuis 5 ans, Christiane Heitz, avait tout juste 20 ans en Mai 68. « Mai 68 ? Comment vous dire, à l’époque j’étais en pharmacie, rue de l’argonne (non loin de l’Institut d’études politiques actuel NDLR). Il faut se remettre dans le contexte, on vivait à la faculté, l’université c’était un concept plus général, je ne suis pas allée sur le campus central… Nous étions un peu isolés du fait de la localisation. Chez nous, en tant que mouvement étudiant, c’est resté calme, surtout dans le domaine scientifique. Nous suivions de loin ce que se passait à Paris mais ça nous semblait hors propos », raconte la septuagénaire, ancien doyen de la faculté de pharmacie et vice-présidente de l’université Louis-Pasteur.
Christiane Heitz souligne tout de même que Mai 68 a eu un effet par ricoché sur la fac au niveau de la relation étudiants-professeurs. « Avant 68, c’était l’image du professeur distant, « l’élite », qui faisait dans l’amphi une entrée théâtrale avec son appariteur qui lui servait notamment à effacer le tableau. A l’époque, le doyen était quelqu’un qui semblait avoir tous les pouvoirs, les étudiants étaient là pour se taire, apprendre et s’adapter. Le mouvement a remis en cause les mentalités et le rôle de chacun. Il y a eu des conseils de fac dans lesquels ont siégé les étudiants. Tout a été rediscuté sous l’impulsion de professeurs plus jeunes. Mai 68 a instauré le dialogue et a positionné l’étudiant autrement. »
C’est après coup que Christiane Heitz a réalisé le choc que cela avait dû être pour les professeurs qui ont perdu leurs privilèges. « Les plus anciens ont été très chahutés, le doyen a travaillé différemment. Le statut de l’enseignant-chercheur professeur a été totalement reconfiguré et dans les 5/6 ans qui ont suivi, les cartes ont été rebattues.»
Propos recueillis par Marion Riegert