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Paludisme : la prise en charge des malades du paludisme à Plasmodium falciparum mise en péril dans la Corne de l’Afrique

Date de publication : 28/09/23

Thèmes[Presse] Recherche 

Le diagnostic du paludisme à Plasmodium falciparum par les tests de diagnostic rapide et le traitement des patients avec des dérivés de l’artémisinine, principal constituant des traitements antipaludiques recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), seraient menacés dans la Corne de l’Afrique. Des chercheurs du laboratoire de Parasitologie et de mycologie médicale de l’Université de Strasbourg et des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, en collaboration avec le ministère de la Santé en Érythrée, l’Institut Pasteur, la Columbia University à New York et l’OMS ont détecté en Érythrée l’émergence et la diffusion de parasites présentant à la fois une résistance à l’artémisinine et des modifications de leur génome qui empêchent leur détection par les tests de diagnostic rapide, menaçant de compromettre les campagnes de contrôle et d’élimination du paludisme dans cette région, et potentiellement dans le reste de l’Afrique.


Les résultats de ces travaux ont été publiés le 28 septembre 2023 dans New England Journal of Medicine.

Lien vers la publication scientifique : https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2210956

 

Le paludisme, maladie due aux parasites du genre Plasmodium, représente un problème majeur de santé publique dans le monde. Plasmodium falciparum, responsable des formes graves, sévit principalement en Afrique sub-saharienne, où un enfant meurt du paludisme toutes les deux minutes. En 2021, on enregistrait 247 millions de cas et 619 000 décès, soit une augmentation de 6,4 % par rapport à l’année 2019.

Actuellement, les moyens de lutte contre le paludisme associent la prévention, par l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide, le diagnostic, par la mise en place de tests rapides, et le traitement, dont il faut s’assurer de l’efficacité. Depuis plus de quinze ans, le traitement des accès palustres à Plasmodium falciparum (maladie alternant fièvre, tremblements avec sueurs froides et transpiration intense) en Afrique sub-saharienne repose sur l’utilisation de combinaisons thérapeutiques appelées ACT pour Artemisinin-based Combined Therapy. Ces traitements très efficaces associent un dérivé de l’artémisinine à action puissante et rapide et une molécule partenaire à demi-vie longue et agissant plus lentement pour éliminer les parasites résiduels.

Cependant, depuis 2008, les premiers cas de parasites résistants à l’artémisinine ont été détectés en Asie du Sud-Est ; cette résistance se traduit par une augmentation du temps d’élimination des parasites présents dans le sang des sujets traités par un ACT. Depuis quelques années, la résistance de Plasmodium falciparum à l’artémisinine a été également observée en Afrique sub-saharienne, dans deux régions, en Afrique centrale (Rwanda) et orientale (Ouganda).

Dans ces nouveaux travaux, les scientifiques présentent des résultats d’études cliniques menées entre 2016 et 2019 en Érythrée, dont l’objectif était d’évaluer l’efficacité de deux traitements ACTs (artésunate-amodiaquine et artéméther-luméfantrine), recommandés dans le traitement du paludisme non compliqué à P. falciparum. Ces études visaient également à estimer la proportion de patients présentant une parasitémie persistante à P. falciparum au jour 3, soit le lendemain de la dernière dose de l’ACT. Elles visaient enfin à détecter des signatures moléculaires au sein du gène Pfkelch13 associées à la résistance des parasites à l'artémisinine ainsi que des délétions des gènes hrp2 et hrp3 connues pour rendre inopérante la détection des parasites par les tests de diagnostic rapide.

Les données obtenues apportent les preuves d’une autre zone de résistance à l’artémisinine en Érythrée. Ce nouveau foyer de résistance montre une situation plus inquiétante que celle observée au Rwanda ou en Ouganda par la découverte de l’émergence et la propagation d’un nouveau variant Pfkelch13 622I, résistant à l’artémisinine, qui s’accompagne dans une proportion non négligeable (environ 17 %) de délétions des gènes hrp2 et hrp3, rendant ces souches parasitaires non détectables par les tests rapides. D’après les données publiées, il apparaît que ce phénomène n’est pas récent et que ces souches circulent depuis plusieurs années dans l’ouest de l’Érythrée.

Ces données révèlent ainsi la capacité de P. falciparum à échapper aux stratégies de lutte mises en place. « Ces données sont très inquiétantes et mettent à mal la qualité de la prise en charge des patients atteints de paludisme dans cette région », alerte le Dr Mihreteab,  collaborateur de l’étude en Érythrée au Programme National de Lutte contre le Paludisme, Ministère de la Santé. « Il est nécessaire de mettre en place une surveillance accrue de l’évolution et de la capacité de diffusion de ces parasites », ajoute le Dr L. Platon, étudiant en thèse à l’Institut Pasteur (Unité Biologie de Plasmodium et Vaccins). « Dans la Corne de l’Afrique, les stratégies de lutte mises en place sont toutes menacées, non seulement par les parasites résistants non détectés par les tests rapides, mais également par la capacité des vecteurs du paludisme à résister aux insecticides et la récente implantation d’une nouvelle espèce de moustique - Anopheles stephensi - capable de transmettre ces souches en milieu urbain. Il est à craindre que ces menaces biologiques favorisent une diffusion rapide de ces parasites dans la région, voire plus loin », analyse le Pr. D. Ménard, directeur de l’Institut de Parasitologie et de Pathologie Tropicale à l’Université de Strasbourg et chercheur au sein de l’Unité de Biologie de Plasmodium et Vaccins à l’Institut Pasteur.

Au cours des deux dernières décennies, l’Érythrée a réussi à réduire considérablement la morbidité et la mortalité liées au paludisme grâce à l’engagement actif du gouvernement. Ces nouvelles données semblent confirmer que, dans les zones où les stratégies visant à réduire la transmission du paludisme sont mises en œuvre efficacement, comme en Érythrée, la surveillance de l’émergence et de la propagation de la résistance aux médicaments doit être une priorité. Ainsi, le développement et la mise en place de stratégies de lutte innovantes s’avèrent être une urgence.

 

Ces recherches ont reçu le soutien de la Fondation Bill and Melinda Gates (OMS), du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (ministère de la Santé en Érythrée), de l’Institut Pasteur, du Gouvernement français (Agence nationale de la recherche), de l’Université de Strasbourg (Programme IdEX), du Département de la défense et du National Institutes of Health aux USA.

 

 

Contact scientifique :
Institut de Parasitologie et de Pathologie Tropicale
Didier Ménard, professeur à l’Université de Strasbourg et chercheur invité à l’Institut Pasteur (Unité Biologie de Plasmodium et Vaccins).
dmenard@unistra.fr; dmenard@pasteur.fr

 

Contacts presse :
Université de Strasbourg : Mathilde Hubert |  mathilde.hubert@unistra.fr
HUS : Gaël Chica | gael.chica@chru-strasbourg.fr
Institut Pasteur : Myriam REBEYROTTE | presse@pasteur.fr

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